Jean Rouch > Jean Rouch, photographe

Au commencement étaient les génies

Laurent Pellé

 » On doit couper le cou au bord du fleuve, mais il faut que le fleuve coupe le cou des fleuves étrangers.  » Face à cette déclaration, M. l’ingénieur des Ponts et Chaussées est perplexe.
Quelque temps après, »l’arbre de karité du grand fleuve, il y a quelqu’un pour le secouer, le fruit tombe, personne ne le ramasse » ; l’ethnographe écoute de plus en plus perplexe.
De devise en devise des génies Tôru ou des violents Hauka, Jean Rouch noircit le dos de tracts anarchistes ou les pages d’un petit carnet, sous le regard sévère de la vieille prêtresse sorko de la région de Niamey. La rencontre avec Kallia a lieu en 1942, lors du rituel de purification des corps de manœuvres foudroyés sur la route qui mène à Ouagadougou. Dès le deuxième rituel de possession, il prend des notes et des photographies qui constituent sa première enquête ethnographique sur la religion des Songhay. Mais au palais du Gouverneur du Niger, pétainiste, les travaux de M. l’ingénieur ne sont aucunement appréciés et il est renvoyé sur Dakar au motif que l’ethnographie est réservée aux administrateurs.


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