ETHNOGRAPHIE ET CINEMA A NANTERRE
mercredi 29 novembre 2017 -

Rouch en corps : ethnographie et cinéma à Nanterre

Journées organisées par le laboratoire HAR (Damien Mottier et Gilles Remillet) et le LESC (Baptiste Buob), avec le « Centenaire Jean Rouch 2017 », la Fondation Jean Rouch et Comité du film ethnographique

Présentation

Placé au carrefour des arts et des sciences humaines, le Master 2 « Cinéma anthropologique et documentaire » de l’université Paris Nanterre (UFR Phillia) est l’héritier du premier DEA de cinématographie créé en France, à l’initiative de Jean Rouch, il y a tout juste 40 ans. Il forme chaque année une douzaine d’étudiants, français ou étrangers, issus des sciences humaines, des études cinématographiques ou d’autres disciplines. L’enseignement délivré s’inscrit dans le double esprit d’un apprentissage pratique de la réalisation documentaire et d’une réflexion sur l’audiovisuel en anthropologie, la mise en scène des savoirs ethnographiques et les méthodes d’enquête filmique en sciences humaines. Il s’agit de transformer, comme le souhaitait Jean Rouch, l’étudiant en chercheur-cinéaste, pleinement maître de son outil de recherche à chaque étape de la réalisation, en lui apprenant à filmer lui-même ce qu’il étudie sur le terrain – à l’aide de techniques légères d’enregistrement –, à monter son propre film et à commenter oralement et/ou par écrit ses stratégies de mise en scène.

À l’occasion de cette année de double célébration (le centenaire de la naissance de Jean Rouch et les 40 ans du Master 2 « Cinéma anthropologique et documentaire »), nous souhaitons mettre à l’honneur cette formation à la recherche visant à accompagner la vocation d’anthropologues-cinéastes. Marquées par la dénomination d’un bâtiment Jean Rouch sur le campus (l’actuel bâtiment DD), ces journées reviendront sur la dimension corporelle de l’acte cinématographique qui, dans les pas de Jean Rouch, est au centre de la pédagogie et de la pratique promue à Paris Nanterre. Workshop, masterclass, performance, projections et table ronde seront autant d’opportunités d’expérimenter et de réfléchir à cette pensée par corps propre aux anthropologues-cinéastes.

Programme

Mercredi 29 Novembre

9h30-10h30— Ouverture et dénomination du bâtiment Jean Rouch (actuel DD)

Par Jean-François Balaudé (président de l’université Paris Nanterre), Jocelyne Rouch (présidente de la fondation Jean Rouch), Annie Comolli (EPHE) et de Gilles Remillet (HAR).

 

10h30-12h30 — Master Class. Du corps au cadre par un initié de Jean Rouch

Jean-Louis  Le Tacon (cinéaste) avec Gilles Remillet (HAR)

Amphithéâtre du bâtiment Max Weber

« Jean-Rouch m’a propulsé dans le cinéma alors que je balbutiais avec ma caméra super 8mm au sein des grèves ouvrières et paysannes en Bretagne. Il faisait sien le mot de Dziga Vertov : “Nous produisons des films qui produisent des films.” La seule chose que Jean exigeait était de filmer sans tripode, en mouvement et continuité, pour accéder à la ciné-transe. Je parle quant à moi de ciné-danse et essaie de perpétuer l’enseignement des techniques corporelles d’opérateur qu’il avait imaginées, définies et structurées, au contact notamment  des cinéastes de l’Office National du film du Canada (ONF) tel que Michel Brault, puis enseignées à Nanterre. » (J.-L. Le Tacon).

 

12h30-13h30 — Buffet sur place (hall du bâtiment Max Weber)

13h30-15h30 — Présentation de films de Jean Rouch

Avec Andréa Paganini (délégué général du Centenaire Jean Rouch)

Amphithéâtre du bâtiment Max Weber

Les Maîtres fous, Ghana, 1955, 36’.

« Dans la ville d’Accra, des émigrants venus du Niger se trouvent brusquement plongés dans la vie trépidante de la civilisation occidentale. Pour remédier à ce déracinement, ils se réunissent dans un des faubourgs de la ville pour pratiquer le culte des Haouka, sorte de génies modernes. » (Comité du film ethnographique)

Les Tambours d’avant. Tourou et Bitti, Niger, 1971, 12’.

« Une danse de possession se déroule dans la concession du Zima Dauda Sido, au Niger. Jean Rouch a filmé le quatrième jour de la cérémonie. Lors de cette fête, où les participants demandent au génie de la brousse de protéger les récoltes contre les sauterelles, les tambours archaïques Tourou et Bitti vont battre. L’orchestre se compose d’un joueur de vièle, de trois batteurs de tambours calebasses (« Tourou »), et du joueur de tambour grave à membrane (« Bitti »). Tandis qu’ils jouent, un vieil homme danse. Puis l’orchestre s’arrête, et le vieil homme ainsi que d’autres participants entrent en transe. » (vidéothèque du CNRS)

Tanda singui (« poser le hangar »), Niger, 1972 ; 1975 , 30’

À Niamey, dans le quartier de Yantala, on ouvre un nouveau lieu de culte, un « hangar », en l’honneur du génie du tonnerre, Dongo. Le génie Zatao, captif de Dongo, plante les poteaux rituels de ce nouveau hangar. Le génie Sarki est également protagoniste de cette cérémonie où des conseils sont donnés aux hommes pour la nouvelle saison des pluies. Le film, tourné sur quelques heures, fait un usage abondant du plan-séquence, comme de nombreux films analogues de cette époque de Jean Rouch, et exploite les possibilités de la caméra portée et du tournage en mouvement.

« Nous présenterons à la suite deux versions du film, à la bande-image identique. Une où la bande-son n’est constituée que des sons d’ambiance et des devises et dialogues des agents du culte en langue songhay-zarma. L’autre où la voix off de Jean Rouch commente de manière continue la cérémonie, recouvrant en grande partie la bande-son de la version sans commentaire. Cette deuxième version a été réalisée quelques années plus tard, à la demande de Jean-Paul Colleyn, afin d’être intégrée dans une émission de la télévision belge. » (Andrea Paganini)

 

15h50-17h30— Workshop ciné-gym. Techniques corporelles de tournage à la main 

Jean-Louis Le Tacon et Gilles Remillet 

Petite salle omnisport, Bâtiment H

Cette initiation  vise à acquérir les techniques corporelles du tournage à la main en vidéographie légère (caméscopes, photo-caméscopesetc). Le corps du cinéaste étant son premier instrument de travail, il devient indispensable d’apprendre les postures et les déplacements adaptés à la mise en scène du film documentaire.  Jean-Louis Le Tacon et Gilles Remillet continuent aujourd’hui à transmettre ces techniques corporelles et à les revisiter au fur et à mesure de leurs propres expérimentations cinématographiques et pédagogiques, autant de savoir-faire qu’il nous feront partager durant ce workshop.

 

17h30 -19h00—Performance Les Maîtres fous, compagnie Dodescaden avec la participation agissante de Baptiste Buob, anthropologue-cinéaste.

Salle E01, bâtiment H

« En 1954, le film Les Maîtres fous de Jean Rouch donne à voir une cérémonie de possession d’un nouveau genre. Les ancêtres et les figures mythiques cèdent la place aux représentants du présent social et politique. Alors que les corps exubérants des Haoukas empruntent des attitudes corporelles et des comportements aux représentants et aux symboles du pouvoir (le caporal de garde, le gouverneur, le docteur, le conducteur de locomotive, etc.), la pratique rituelle s’inspire de la satire. Conscients du pouvoir du cinéma, les Haoukas auraient souhaité se doter de caméras et incorporer les films à leurs cérémonies. En 2017, la performance Les Maîtres fous de la compagnie Dodescaden, quant à elle,  donne à voir une forme théâtrale inspirée du film de Jean Rouch. Cette fois-ci, ce sont les personnages du théâtre qui cèdent la place aux représentants du présent social et politique. Les « nouveaux génies de la force » sont les gouvernements, les célébrités, les médias, etc. Ici, la satire se nourrit de la scène rituelle, tandis que le film, comme le cinéaste, s’intègrent pleinement à l’espace scénique. »

 19h30 — Cocktail, Hall du Bâtiment E