Laurent Pellé
La côte atlantique, eldorado pour une poignée de Zabrama, n’offre que de dures conditions de travail à la majorité d’entre eux. Quand on pense que la silicose tue un homme en cinq ans, qu’un kaya kaya (docker) accomplit des journées de dix à douze heures, qu’un timber boy dirige, seul, des grumes de plusieurs tonnes sur les eaux capricieuses d’une rivière.
Toutefois, le soir, ils se rassemblent tous au Zongo (quartier des étrangers), » là, c’est presque le pays, où des femmes musulmanes préparent la nourriture sans graisse de porc et où on peut prier Allah en famille « . Et puis, dans la rue, le Zabrama est » Jaguar « . Pour Damouré Zika, Sorko de Niamey : » C’est un jeune homme galant, qui a la tête bien peignée, qui fume, qui marche. Tout le monde le regarde, il regarde tout le monde. Il voit toutes les belles filles, il fume sa cigarette tranquillement, voilà ce que veut dire Jaguar, hein ! Un homme bien, quoi, un homme qui est galant, le Zazouman . »
Huit ou neuf mois après son arrivée, le Zabrama refait son sac, sans oublier d’y ajouter quelques pagnes pour l’épouse laissée au Niger et quelques pacotilles pour la famille. Un dernier morning tea est avalé en vitesse. Une fois le prix du voyage de retour négocié avec le chauffeur du camion Super Quality, les bagages chargés et quelques heures passées, le véhicule quitte la gare routière.
Camarades, adieu ! Marchands de bidons, adieu ! Vendeurs de nyama nyama, adieu ! Mesdemoiselles, adieu ! Élisabeth II, adieu !