Denise Dias Barros et Paula Morgado

Web et Anthropologie. Réseaux de dialogues, d’échanges
sociaux et de nouvelles formes d’appropriation de l’autre.  
Le cas des Dogon et des Wayana.

Denise Dias Barros ∗∗
Paula Morgado∗


Télécharger le document :
Denise Dias Barros et Paula Morgado


Retour au programme // Accueil du CFE


Résumé

L’objectif central de ce travail est d’identifier et d’analyser les
interprétations produites et diffusées sur les Dogon et les Wayana par deux
moyens de communication, les programmes télévisés et les sites internet. On
analysera non seulement les produits sur ces sociétés, mais aussi si celles-ci
participent ou non à ces nouveaux moyens de communication.

Introduction

Dans une perspective comparatiste, notre étude propose d’analyser
l’imaginaire contemporain européen, notamment français, qui s’exprime à
travers les représentations des populations Dogon et Wayana sur le Web.  La
France conserve un rapport important avec ces deux sociétés, bien que la
destinée politique des ex-colonies françaises auxquelles elles appartiennent
se distingue: la Guyane Française est attachée au territoire français, tandis
que la République du Mali est aujourd’hui un état indépendant.
Actuellement, les communautés Dogon et Wayana sont largement
représentées, aussi bien sur les chaînes télévisées que sur Internet, ce qui
constitue une situation particulière et paradigmatique aux réflexions que nous
proposons. Les informations ethnographiques, photographiques et
audiovisuelles qui au cours de ces dernières années ont été revues, triées et
réinterprétées en vue de leur mise en réseau, nous invitent à réexaminer la
question des modalités d’appropriation de l’image, nous amenant à nous
interroger également sur leurs contenus et les processus actuels.
La societé Wayana, composée d’environ 1600 personnes, occupe une
triple région frontalière entre le Brésil, le Suriname et la Guyane Française.
Sur le territoire français, la population se divise en plusieurs groupes dans la
région Sud du Département (en amont du fleuve Maronii). Le pays Dogon se
situe à l’ouest de la République du Mali qui fût une colonie française entre
1903 et 1960, année de l’indépendance du pays. En considérant le nombre
croissant de représentations de ces deux groupes dues aux nouvelles
technologies, notre étude entend contribuer à la compréhension des
interfaces actuelles avec les sociétés occidentales, en particulier avec la
société française.

Le Web en tant que terrain de recherche ethnographique

1
À partir de 1975, émerge ce que l’on désigne actuellement comme les
nouvelles technologies de  l’information et de la communication. Le Web en
tant que domaine de recherche ethnographique suscite une réflexion à
double vitesse: en tant que domaine et langage nouveaux et en tant que
pérennisation et survie du passé. Dans la cyberculture, les localités et les
globalités sont redéfinies et demandent des négociations entre les
constructions imaginaires et le monde « déterritorialisé ». Que serait donc
l’ethnographie dans un monde de territoire, de langages et d’espaces
virtuels? Il ne s’agit pas ici de trouver des réponses définitives, mais bien de
contribuer au débat à travers l’exploration des formes de « migration » des
sociétés et des travaux vers le domaine virtuel.
Il convient de distinguer l’accélération des moyens d’information et leur
démocratisation.  La globalisation – qui, selon Garcia dos Santos, serait  « la
consécration maximale du capitalisme » (2003:125) – rend illusoire
l’universalisation de l’american way of life, confirmant que c’est un modèle qui
s’exporte, mais qui ne se maintient pas. Autrement dit, malgré la circulation
massive d’informations en tout genre, la précarité matérielle est encore la
réalité quotidienne d’un grand nombre de gens dans le monde entier.
Le cyberespace présente un nouveau défi né de la multiplicité
d’informations sans traitement adéquat, favorisant l’expansion d’un espace de
dépolitisation et d’aliénation paradoxal.  L’une des conséquences les plus
néfastes de ce processus  étant la dépolitisation du savoir. En cheminant
vers l’érosion des références (dans le cyberespace), nous avons l’illusion que
tout est possible. Nous avons tendance à croire que la vitesse et l’accès
illimité aux données garantissent leur authenticité, mais nous oublions que
derrière ces mondes virtuels se cache un monde, bien réel celui-là, ancré
dans la logique de marché. Le Web devient ainsi, comme n’importe quel
autre moyen de communication de masse, un espace où les marques se
concurrencent violemment.
Le développement des technologies de l’information s’est répandu
rapidement parmi un grand nombre de groupes autochtones d’Australie et du
Canada, et prend forme parmi certaines populations indigènes du Brésilii.
Néanmoins, parmi les Wayana, les Dogon et une grande partie de groupes
minoritaires, ce processus ne se développe que très marginalement, comme
le montrent les pages Web que nous présentons.

Les moteurs de recherche et la recherche sur le Web

À partir des années 1990, le réseau informatique constitue la structure
de base de la communication globale, inspirant simultanément des pronostics
positifs et négatifs sur cette nouvelle forme de sociabilité – la cyberculture.
Grâce aux progrès accomplis dans le domaine de la technologie numérique,
il est devenu possible de compacter les différents types de messages (image,
texte, son) et de les envoyer chaque fois en plus grand nombre et en un
temps plus réduit.  Cette situation – où la technologie est à l’origine de
nouvelles formes sociales –  nous a fait croire, dans une large mesure,  qu’il
serait possible d’échapper au contrôle social et à l’isolement, deux éléments
perturbateurs de la relation technique – vie sociale. Ce nouvel espace social
2
semble  plutôt devoir être marqué par son aspect dissipé, éphémère et
hédoniste.
Néanmoins, si la dynamique sociale du cyberespace, fondée sur le désir
de connexion au niveau planétaire, rompt avec la structure hiérarchique dans
le domaine de la circulation d’informations, elle la conserve en ce qui
concerne les accès et la production d’informations.
C’est dans ce contexte – de la recherche de la démocratisation ou du
partage de savoirs croissants et du développement de la société du spectacle
– que nous analysons les représentations sur les Dogon et les Wayana, en
cherchant à savoir quel genre de « savoir » est diffusé, qui en sont les
producteurs et qui en fait usage.
Le cyberespace peut contribuer énormément à la multiplication
d’identités sans pouvoir de parole (représentées par d’autres). Autrement dit,
les identités périphériques alimentent les identités centrales, contrariant la
logique rhizomatique de la circulation des données, car on les interprète
selon une logique subliminale hiérarchique, enfermée dans un cadre
historique et politique bien définis. Le cas des représentations des Dogon et
des Wayana dans la cyberculture semble reproduire cet enjeu inégal
d’interprétation d’altérités.
Les moteurs de recherche sont des mécanismes puissants qui
rassemblent des informations disponibles sur des thèmes spécifiques,
permettant au réseau de devenir une importante source d’informations sur
l’imaginaire de groupes sociaux spécifiques et des sociétés. Néanmoins, ils
sont conçus comme des mécanismes anonymes, occultant leurs imbrications
et leurs choix dans la dynamique du pouvoir et de la domination (y compris
des représentations) à une grande échelle: tendances qui n’échappent pas à
une analyse plus soigneuse sur bien des aspects, notamment l’hégémonie de
la langue anglaise, le contrôle prédominant d’entreprises américaines, la
mise à disposition inégale de l’accès, la définition de chemins préférentiels
dans les processus de recherche. L’analyse de ce phénomène nous
intéresse particulièrement dans le cadre de notre recherche, puisque nous
proposons d’analyser le type d’information le plus couramment véhiculé sur
les pages Web concernant les communautés Wayana et Dogon, découvrir
qui en sont les créateurs et à qui elles sont destinées. Toutefois, un effort
considérable est nécessaire afin de découvrir les méthodes de collecte, de
traitement et de stockage d’informations utilisées par les Technologies de
l’Information et de la Communication (TIC).
Il faut signaler que les moteurs de recherche opèrent des choix variés et
que la France ne domine pas ce secteur. Il existe également un important
décalage entre le volume d’informations disponibles sur les moteurs de
recherche selon la langue. À titre d’exemple: la base française d’Altavista est
composée de trente millions de pages en langue française et le dir.com (en
langue française, créé par Fabien Menemenlis et Phillippe Develter et lancé
par la société LLIAD en 2003) en indexe environ cent millions. Les
indicateurs doivent encore être mieux analysés pour cette étude. Selon
l’Internet Security (apud Lime, 2002), en juillet 2000, environ 80% des pages
sur le réseau étaient en anglais.
Même si les moteurs constituent des outils de recherche puissants, ils
obligent le chercheur à évaluer chaque type d’indexation et pour que ce
dernier soit à même de réaliser un inventaire plus pointu en temps réduit, il
3
doit posséder des connaissances suffisantes sur l’étendue des domaines
qu’ils couvrent. Il existe actuellement des programmes regroupant différents
moteurs, qui favorisent ainsi la réalisation de l’inventaire sur le réseau de
domaines et de pages.
Pour réaliser notre étude, il a fallu que les moteurs de recherche soient
les plus pertinents parmi ceux qui indexent des pages françaises et en langue
française, puisque nous nous proposons d’analyser la représentation de deux
sociétés francophones. En outre, la Guyane Française et la République du
Mali, pays où se trouvent les sociétés Wayana et Dogon respectivement,
créent surtout des pages en français. Nous supposons que l’auto-
représentation de ces deux sociétés est faible, si tant est qu’elle existe, ce qui
prouve les inégalités d’accès et de possibilités sur le réseau. Nous avons
choisi de procéder à l’inventaire de pages sur Internet par le biais du
programme déjà mentionné, Copernic Agent Professionnel.

Les populations Dogon et  Wayana dans le monde numérique

Dans le domaine de l’accès à l’information, l’apparition de l’Internet a
souvent été considérée comme un instrument s’opposant au déséquilibre des
relations Nord-Sud. L’histoire de plusieurs décennies de construction des
représentations par les administrateurs coloniaux, les anthropologues et les
voyageurs (accompagnées d’innombrables articles, articles de presse, livres,
photos et films), n’aurait-elle pas été dépassée par des modalités plus
symétriques ou plurielles? La question de l’asymétrie de pouvoir et de
perspective de ceux qui détiennent les outils de diffusion – qui se retrouve
dans l’ensemble de la production anthropologique – ressurgit avec
l’émergence de nouveaux médias.
La population Dogon, qui, en 1988, comptait environ 675.000
personnesiii, représente environ 95% des habitants de la région connue sous
le nom de pays Dogon. L’électricité et le téléphone sont des biens
pratiquement inaccessibles dans la région. Bandiagara, le centre urbain le
plus important – avec environ 11.000 habitants – dispose d’un générateur qui
dessert une partie de la population. Le réseau de téléphone est précaire, ce
qui rend difficile l’accès à une ligne téléphonique. Néanmoins, le premier
cybercafé y a été installé en 2002 et rapidement un nombre croissant de
jeunes, généralement des guides touristiques ou des personnes attachées à
des ONGs travaillant sur place, ont commencé leur incursion sur le réseau,
notamment pour envoyer des messages à l’étranger. Cette initiative privée,
élaborée par un jeune garçon, s’est révélée déficitaire et l’année suivante le
cybercafé a fermé ses portes. Néanmoins, avec le soutien des Étas-Unis,
cinq ordinateurs avec accès par satellite ont été installés dans les locaux de
la Mairie de Bandiagara.
Dans les plus grands villages Wayana (moyenne de 200 habitants),
pour une population qui ne dépasse pas les 850 personnes, on trouve de
l’électricité produite par générateurs ou panneaux solaires. Les téléviseurs
avec magnétoscope intégré complètent le mobilier des familles plus aisées
qui, depuis 2002, s’abonnent à la TV par câble. Toutefois, on ne communique
pas encore avec les centres urbains depuis les cabines téléphoniques
installées en 2002 dans les villages les plus peuplés. Vu le coût important
4
des appels par satellite, seuls les employés français s’en servent. Les jeunes
qui partent étudier dans les villes côtières connaissent l’ordinateur, ainsi
qu’un petit groupe d’enfants scolarisés habitant les villages les plus peuplés,
mais peu de gens s’y intéressent ou savent utiliser Internet. Depuis peu, il est
possible de communiquer par Internet avec le village le mieux équipé
(Antecume pata), mais pour l’instant, seuls les employés du dispensaire et
les enseignants en bénéficient. Dans un même temps, nous sommes témoins
d’une diffusion croissante (non seulement en France, mais dans de
nombreux pays européens) des représentations sur les communautés
Wayana et Dogon par le biais de la culture numérique occidentale, mais
aussi électronique (à travers les émissions téléviséesiv).
Face à l’expansion de la communication numérique, certaines questions
s’imposent: Comment se réalise l’accès aux savoirs sur le réseau? Comment
cela s’opère-t-il dans le cas des Dogon et des Wayana? Quel type de
langage gagne du terrain et quel type de savoir sur ces « Autres » produit-
on? La recherche concernant l’architecture du réseau mondial nous aide à
répondre à ces questions, ainsi qu’à envisager les nouveaux chemins que
doivent emprunter la recherche, en particulier dans le domaine de
l’anthropologie, pour parvenir à une meilleure compréhension de la société
numérique.

Inventaire de pages Web

Etant donné le grand nombre de pages et de domaines reconnus
(recherche de avril 2005), nous avons défini quatre phases d’analyse: les
deux premières quantitatives et les deux autres qualitatives. Une fois les
pages des groupes Dogon (5.457) et Wayana (1.347) inventoriées à partir du
programme Copernic, nous avons opéré un classement par domaine, pour
ensuite, ne plus retenir qu’une page par domaine. Nous en avons ainsi
obtenu 2.217 sur les Dogon et 1.000 sur les Wayana. Après avoir visité
l’ensemble de pages, nous en avons sélectionné 769 sur les Dogon et 259
sur les Wayana en français pour intégrer la banque de données des sites.
Les analyses présentées ici font partie d’une étude en cours, et sont
inspirées par l’ensemble du processus exposé précédemment.
Les territoires d’identités créées dans le cyberespace sur les
populations Wayana et Dogon nous amènent à analyser la question de leur
« alter » et « auto » représentations, ainsi que les incidences mutuelles. Nous
cherchons à présent à comprendre les significations produites dans le monde
virtuel, qui en sont les principaux acteurs (producteurs de représentations
disponibles sur le net), s’il existe de nouveaux contenus ou de nouvelles
formes (signes préférentiels) de stéréotypes dans les médias déjà cités:
littérature, télévision et cinéma.
L’intérêt porté aux sociétés singulières de l’ensemble de la planète s’est
réaffirmé au cours des dernières décennies du fait de la croissance du
tourisme culturel et d’aventure, ainsi que d’une production considérable de
documentaires télévisés. Ce succès connaît un nouvel essor avec
l’expansion du réseau informatique mondial, permettant à un nombre chaque
fois plus grand d’individus d’accéder à des informations sur des cultures
éloignées.  En outre, la profusion d’images à grande échelle crée un nouvel
5
ordre de subjectivités et de nouvelles exigences de compréhension des
systèmes locaux. Il convient donc d’analyser ces vies imaginées pour
comprendre les symboles qui leurs sont attribués. Tout groupe culturel
focalise et globalise simultanément, néanmoins, la place marginale qu’un tel
langage occupe dans l’accès et la production crée un flux inégal
d’informations et une asymétrie dans la production d’identités mouvantes on-
line et off-line.
Dans la première étape de l’analyse des contenus des pages, notre but
était d’identifier comment et quelle place occupaient les deux groupes
étudiés. Plusieurs aspects présentent des similarités, mais également des
particularités que nous verrons par la suite. Tout d’abord, pour les deux
sociétés, la production des pages est réalisée majoritairement par des
personnes et des organismes issus d’autres sociétés. Deuxièmement, la
reproduction pléonastique d’images les concernant suscite des créations
d’identités dont l’Occident s’inspire pour exprimer des contenus projetés ou
créer de nouveaux objets de désir et consommation.
Les Wayana sont constamment placés à la lisière de la cyberculture.
D’abord, parce qu’il n’existe aucun site les concernant, et s’ils sont
mentionnés, c’est en « pied de page », parmi une masse homogène de groupes
indigènes. Les images qui renvoient à eux oscillent entre une formulation
positive et une négative: la première liée à l’image idyllique de leur habitat, un
monde perdu que l’on doit préserver, ou bien encore un monde inconnu
auquel on aspire; la seconde renvoie à une nature brisée, noyée dans des
conflits issus de l’exploitation abusive de l’environnement. Dans ces deux
optiques, il est question de préserver une nature protagoniste d’histoires dont
les Wayana ne sont que figurants. Il convient de rappeler que les Wayana
occupent un minuscule territoire en Amazonie, au sud de la Guyane
Française, pourtant riche en minerai (surtout aurifère), et que cette région
amazonienne constitue un pôle stratégique dans le marché économique
mondial  et un laboratoire vivant pour les recherches tant botaniques, que
zoologiques, médicales et biomédicales. C’est pourquoi d’«enfer Vert»
(occupé par les bagnes) la Guyane Française a acquis le statut de « poumon
vert », cherchant ainsi à ressembler au « paradis tropical » qui représente le
reste de l’espace amazonien.
Néanmoins, lorsque nous parcourons les pages sélectionnées, le
désastre écologique provoqué par l’utilisation abusive du mercure dans
l’exploitation illégale d’or dans le Centre et le Sud de la Guyane Française est
évident. Cette activité met en péril les populations locales depuis les années
90 et les dénonciations sont, en grande partie:
• publiées sous forme d’articles de journaux alternatifs :
http://www.espaces-latinos.org/historico/186/thema.htm;
http://endehors.org/news/2064.shtml;
http://www.coica.org/fr/aia_livre/II_2_3_3_pays.html.
• diffusées par des associations de défense des droits de l’homme:
http://ase.ouvaton.org/expomercuwayanas.htm;
http://www.csianitassinan.org/lettre22_guyane.htm ;
http://perso.wanadoo.fr/solidariteguyane/index.htm ;
http://www.monde-solidaire.org/spip/article.php3?id_article=862 ;
http://www.indesens.org/article.php?id_article=50.

6
Bien que cette situation soit divulguée par ces institutions, on discute
peu des répercussions sociales qu’elles entraînent chez les Wayana et les
peuples indigènes dont la richesse culturelle est peu connue et seulement
divulguée par quelques sites d’institutions académiques. Il convient
également de signaler que la participation d’ethnologues dans des forums
culturels reste limitée. Sur les pages scientifiques (dans des textes
disponibles intégralement), l’intérêt pour les Wayana concerne, d’une part, les
domaines de la linguistique, de  l’éducation et de l’enseignement, et d’autre
part, les questions de zoologie, de botanique et de santé. Hors du circuit des
chercheurs, les Wayana figurent sur des sites d’organismes publics qui
exaltent la pluralité linguistique et culturelle de la Guyane, sans pour autant
analyser les façons de défendre un tel patrimoine. Dans ce contexte, nous
avons trouvé des sites personnels et d’associations qui s’intéressent à la
zoologie, à la botanique et, particulièrement, à la forêt amazonienne et qui
font usage des savoirs indigènes, bien que certains n’échappent pas à un
regard ethnocentrique (http://www.junglexplorer.net/peuples.htm).
De nombreuses pages affichent des phrases sur les Wayana écrites par
eux-mêmes: http://perso.wanadoo.fr/marcel.fray/;
http://www.equipyrene.com/dun/liens03.htm ou qui font référence à leur
culture: http://monsite.wanadoo.fr/nouveauxdelits/page2.html, fonctionnant
comme une bannière politique pour un monde plus égalitaire et pluriel où la
défense du patrimoine naturel serait au cœur du débat.
Pour résumer, nous pouvons dire que nous avons, d’une part, la
représentation idyllique et romantique dans les écrits ou les images
sélectionnés sur les Wayana à travers:
• d’objets commercialisés (disques et livres pour enfants)
http://www.budamusique.com/product_info.php?manufacturers_id=257&pr
oducts_id=258http://lemotalire.free.fr/livres/seuljungle.html
• d’objets exposés dans les collections des musées
http://www.quaibranly.fr/article.php3?id_article=3321&R=2) ;
• les catalogues de maisons d’édition:
http://www.fremeaux.com/pages/catalogue/fiches/pg_Sons-de-la-Nature
256.htm)
• les associations diverses, comme celle des amateurs de flûtes ou d’arcs :
http://flutesforum.free.fr/index_fichiers/Page441.htm;
http://gery.bonjean.com/arcs/arcs5.htm;
• les guides de tourisme ou les annuaires de la Guyane :
http://jal-voyages.com/manuel/fr/doc11.doc ;
http://www.guyane-guide.com/pages/amerindiens.htm ;
• les associations de défense des droits des autochtones :
http://www.solidarite-guyane.org/Assos.htm;
http://www.grainvert.com/article.php3?id_article=316
Paradoxalement, l’idéalisation des images des Wayana contraste avec
celle d’un peuple menacé de disparition (physiquement et culturellement) à
cause de la préoccupante situation écologique, telle qu’on la diffuse sur les
pages des sites associatifs militant en faveur de l’environnement et de la
diversité culturelle. Ainsi, l’enfer vert (d’une nature et d’une vie culturelle
menacées) et le poumon vert (d’une Amazonie guyanaise qui lutte pour
l’équilibre naturel et les droits de l’homme) sont deux images en constante
7
compétition dans le cyberespace, comme deux univers séparés par un mur.
On peut remarquer que l’idée du Web telle qu’elle avait été idéalisée par ses
concepteurs et nombre de ses réalisateurs : une toile de communication
imbriquée (ou intercommunicative), ne s’est pas complètement réalisée. En
effet, le Web est également communication chaotique, tant dans la hiérarchie
de son architecture, que dans la qualité et l’origine des sources des
informations publiées qui demeurent encore de difficile accès. Comment
l’internaute peut-il savoir quelles sont les sources plus ou moins fiables ?
Les Dogon sont fortement représentés sur le net, aussi bien dans des
pages dédiées aux peuples africains, que dans des pages touristiques et de
vente d’objets et de livres, ou encore dans des pages liées à l’enseignement
ou aux associations et aux organisations non gouvernementales.
Il est fondamental de revisiter l’histoire des relations entre l’Europe et
l’Afrique afin de replacer la riche diffusion des Dogon dans le contexte du
cyberespace. Elle repose sur un ensemble de processus imbriqués qui ont
rapproché le sens esthétique, la profusion de rituels et le suggestif paysage,
d’une production anthropologique qui a su inspirer la curiosité face à
l’exotisme et l’intérêt d’artistes et de collectionneurs d’art. L’isolement
supposé des peuples des montagnes appelés Habésv, réfractaires à
l’islamisation, a renforcé la fascination qu’ils exercent, depuis les années 30,
sur les voyageurs, les administrateurs et, plus tard, sur les chercheurs, les
médias, les touristes et les aventuriers d’aujourd’hui.
Dans une double approche ethnographique et linguistique, l’Institut
d’Ethnologie de l’Université de Paris et le Musée d’Histoire Naturelle ont
organisé, entre 1931 et 1933, la Mission Dakar-Djibouti, coordonnée par
Marcel Griaule. Son objectif  était de rassembler des objets destinés aux
collections ethnographiques (instruments, céramiques, armes, vêtements,
matériel de transport, objets religieux, objets esthétiques, instruments
musicaux, etc.),  ainsi que d’obtenir des informations linguistiques,
botaniques, visuelles (photographiques et cinématographiques) et
ethnographiques (Griaule, 1930, p.7-8). Selon Anne Doquet, l’émergence de
l’anthropologie africaniste française n’est pas uniquement due à
l’impérialisme, le musée y contribue aussi: les liens avec l’administration
coloniale et le projet de rénovation du Musée d’ethnographie du Trocadéro
ont créé les conditions pour l’institutionnalisation de la discipline en France
dans les années 30. A l’aube du XXe siècle, des artistes comme Maillol,
Vlaminck, Matisse et Picasso, entre autres, découvrent « l’art nègre »vi,
fascinés par l’audace des formes et l’anti-réalisme des figures africaines.
« L’anthropologie passionnée qu’a suscitée le peuple Dogon et le caractère
spéculatif de certains de ses écrits ont été discutés par différents chercheurs »
(DOQUET, on-line).
Les représentations des Dogon sur le Web renouvellent et raniment,
dans une large mesure, les valeurs, les contenus et les stéréotypes présents
dans la production de l’exotique: les missions scientifiques coloniales, les
collectes d’objets, l’apparition de la notion d’art africain avec la création de
musées ethnologiques et un goût croissant pour les voyages.
Actuellement, il nous semble que le tourisme, la revitalisation des
musées et le commerce (art, artisanat, musique et livres) sont les principales
sources qui alimentent la pérennité de l’image de la culture Dogon et du pays
Dogon comme lieu mystérieux, quintessence de la pérennité des valeurs et
8
des traditions. Une source d’authenticité, d’aventures et d’expériences devant
être (re)découverte par chacun. Dans la cyberculture, le nom Dogon est aussi
évoqué dans les pages sur l’astrologie et les pratiques divinatoires. On peut
lire, par exemple, sur le site
http://secretebase.free.fr/civilisations/autrespeuples/Dogons/Dogons.htm: « Le
peuple Dogon affirme descendre des habitants d’une planète orbitant autour
de Sirius ». Il est question ici des effets de l’appropriation et des interprétations
de la discussion sur les recherches menées par Marcel Griaule et Germaine
Dieterlen. Sur le Web, cette thématique englobe la publication électronique
de scientifiques et d’intellectuels, aussi bien que d’adeptes de l’ésotérisme et
du mysticisme, de voyageurs, de missionnaires, de membres d’institutions
philanthropiques, et bien d’autres institutions. (Voir
http://astrosurf.com/anthropos/fondements/index.htm).
Les travaux de Griaule et Dieterlen intéressent beaucoup la production dans
des domaines autres que l’anthropologie. C’est le cas du site de la Revue de
l’histoire des religions, qui a publié on-line un article intitulé Hermopolis,
Memphis, Latopolis et les Dogon, dont l’auteur Jacques N. Lambert exalte le
savoir Dogon:
« Ce que l’on peut savoir des théologies d’Hermopolis et de Memphis dans
l’Egypte ancienne se trouve assez largement recoupé et éclairé par la
connaissance que nous avons, grâce aux travaux de Marcel Griaule et de
Germaine Dieterlen, de la gnose du petit peuple Dogon. Thot-Hermès-
Mercure est, avec le dieu Ptah, au centre de ce comparatisme, qui ouvre
également des horizons sur la déesse Neith. »
Les intellectuels sont présents sur le Web de façon institutionnelle, en
tant que membres d’académies et d’institutions qui publient leurs sites, ou du
fait d’initiatives personnelles et indépendantes. Ils sont interviewés au cours
de programmes télévisés et documentaires, qui peuvent être visités et
visionnés sur le site (http://www.emagister.com/) comme « Le Dama
d’Ambara » (1974) ou « Germaine Dieterlen: la sœur des masques »(2002).
Une partie de la production d’anthropologues est disponible en quantité
et en variété non négligeables à travers la publication d’articles, de courtes
notes, de compte-rendus et sur les sites de congrès et de colloques ; ainsi
que dans des revues électroniques telles que L’Homme, Clio en Afrique,
Cahiers d’études africaines et Ethnologies comparées. On remarque, au
travers de ces diverses publications, la volonté des anthropologues de
débattre sur ce que nous pouvons appeler la perspective mystificatrice de la
culture Dogon. Les résultats de leurs travaux scientifiques et leurs critiques
de la production Dogon sont destinés aux spécialistes et à un large public de
lecteurs internautes. Dans ce sens, plusieurs publications d’auteurs comme
Jacky Bouju, Gaetano Ciarcia, Anne Doquet sont disponibles on-line. Dans
un numéro d’Ethnologies comparées, nous trouvons des articles qui
soulignent la critique à la production issue des travaux anthropologiques –
notamment de l’Ecole Griaulienne.
« Depuis plusieurs décennies, le mythe anthropologique Dogon se fissure et
une réflexion épistémologique visant à déconstruire les recherches menées
dans la région s’est imposée. Néanmoins, l’image « grand public » de cette
société ne semble pas affectée du même discrédit. Dans la presse, écrite
comme audiovisuelle, les Dogon jouissent toujours de leur notoriété en tant
que société traditionnelle, immuable et harmonieuse. Révélant à l’évidence
9
de l’utopie, ces qualités construites dans l’imaginaire folklorique semblent
fonder une sorte de spécificité ethnique et culturelle. Ces représentations
perdurent dans la littérature vulgarisatrice, qui au fil du temps reproduit le
même discours enchanteur. Alors la question se pose de leur maintien in situ,
les visiteurs se pressant en pays Dogon pour y recueillir les derniers vestiges
d’une Afrique authentique menacée de disparition. » (DOQUET Anne, on-line)
L’anthropologue Jacky Bouju (on-line) défend une anthropologie réciproque,
au sein de laquelle les catégories scientifiques, les analyses du chercheur et
les discours locaux collaborent à une traduction culturelle, mais ne se
confondent pas. Il insiste dans ce texte disponible on-line:
«…la fiction culturelle Dogon, telle qu’inventée par l’Ecole Griaule, a connu un
succès mondial. Pour beaucoup, et plus particulièrement pour les historiens
de l’Art (21) qui n’ont jamais mis les pieds en Afrique, les Dogon ont dès lors
représenté la quintessence de “ la tradition ” Ouest Africaine qui s’est trouvée
mieux protégée là qu’en d’autres lieux grâce à l’abri naturel que constituait la
falaise de Bandiagara. Ce faisant Marcel Griaule et Germaine Dieterlen ont
constitué “les Dogon” en archétype d’une culture traditionnelle Ouest
Africaine bonne à penser pour la culture européenne.»
Jean-Loup Amselle (on-line) dans L’anthropologie au deuxième degré a
pris part à cette polémique dans un article publié dans les Cahiers d’études
africaines, sous forme d’un débat avec Walter E.A. van Beek et Jan Jansen :
«…n’oublions pas que les travaux de l’école de M. Griaule sont actuellement
réappropriés par des artistes maliens comme Ismaïl Diabaté ou Abdoulaye
Konaté, qui utilisent notamment les travaux de G. Dieterlen et Y. Cissé, sur
les signes du komo, pour les propres productions picturales. (…) Masques
Dogons, Le renard pâle, Dieu d’eau ou l’Essai sur la religion bambara font
donc désormais partie intégrante des cultures Dogon, bambara et malinké et,
de façon plus large, du patrimoine culturel malien. Ce sont des monuments
de ces cultures au même titre que la case sacrée de Kangaba (kamabolon)
ou les masques kanaga, et vouloir les dissocier de ces mêmes cultures serait
aussi artificiel que de dissocier les paganismes Dogon ou bambara de l’islam.
(…) Quoi qu’en pensent les ethnologues post-griauliens, la production de M.
Griaule et de ses disciples appartient pleinement au patrimoine culturel des
sociétés maliennes, c’est-à-dire à l’aspect figé de ces mêmes sociétés, et
c’est aux seuls membres de ces sociétés de décider de l’utilisation de ce
patrimoine.»
Mais, le Web offre également un espace à d’autres formes d’interaction
susceptibles de parcourir les mêmes domaines virtuels avec des messages
multidirectionnels. Il convient maintenant de vérifier les impacts mutuels, les
synthèses qui se produisent dans la dynamique des identités narratives sur le
net. La création de pages et d’environnements virtuels sur le réseau sont
autant d’orchestrations d’échanges polyphoniques entrelacés de situations
politiquement chargées. Les subjectivités créées lors de ces échanges sont
porteuses d’inégalités sociales et s’inscrivent dans un domaine de
constructions de vérités, de fictions considérables et de conflits d’intérêts
inévitables.
Nous savons que l’organisation des peuples autochtones de
l’hémisphère nord a produit un matériel riche permettant de définir leur place
dans l’histoire, la politique et la culture de leurs sociétés respectives. Ils
10
deviennent ainsi les protagonistes des débats sur leurs droits et sur les
relations qu’ils tissent avec les institutions et les gouvernements. Pour
l’UNESCO, il faut reconnaître l’importance des savoirs locaux et autochtones,
s’inquiéter de l’exploitation abusive de ces savoirs,  permettre l’expression de
leur identité culturelle et garantir les conditions propices à l’exercice d’une
citoyenneté pleine dans les Etats nations auxquels ils appartiennent. Que se
passe-t-il, alors, dans les cas des Wayana et des Dogon? C’est notre défi
actuel. Nous remarquons une faible présence ou appropriation des
technologies de communication chez les Dogon de la République du Mali, ce
qui engendre une auto-représentation très limitée dans leur dialogue avec les
altérités nationales et internationales. La situation Wayana diffère
légèrement, car l’accès aux lignes téléphoniques et aux ordinateurs a permis
aux communautés de consommer rapidement ces moyens de
communication. Mais on est en droit de se demander si leur situation diffère
tellement de celle des Dogon. Ces deux groupes comprennent-ils leur
participation dans ce nouveau territoire d’identités (re)créées qu’est le
cyberespace? Voici un autre défi.
Il existe des conflits et des réactions qui surviennent ou qui peuvent
surgir avec l’accès au réseau d’individus, de groupes et d’institutions issus de
régions extérieures à la production technologique. Bien que souvent ignorées
et limitées, nous avons remarqué, au cours des dernières années, une
croissance des pages d’ONGs locales comme Ginna Dogon
(http://ginnadogon.africa-web.org), certaines réalisées par des partenaires
étrangers (http://anitie.mali.free.fr), ainsi que des pages personnelles,
notamment dans le domaine du tourisme et de l’art. L’impact de la
mondialisation apporte des changements dans les mentalités,  dans
l’imaginaire comme dans les pratiques sociales, ainsi que dans les formes
d’expression et la manière de s’exposer à l’autre. De nos jours, il semble que
certains individus, notamment ceux qui vivent sur les frontières culturelles,
rêvent d’un développement qui favorise leur mobilité. Beaucoup rêvent de
contribuer à ce marché d’échanges symboliques et économiques qui dépasse
les frontières. Néanmoins, les possibilités de circulation demeurent
profondément inégales.
Le tourisme, la coopération internationale et les activités de recherche
dans divers domaines créent des rencontres qui stimulent les échanges
d’expériences, l’interpénétration des désirs et des modes de vie. Ces
rencontres ont  des conséquences perçeptibles sur le net surtout dans les
pages personnelles des guides touristiques (ces guides sont les acteurs de
ces relations interculturelles et intersubjectives) et dans celles des projets
d’action d’ONGs. Voici quelques témoins de ce mouvement sur le net: dans
le premier cas, Aly Napo (http://aly.napo.free.fr), Benjamin Guindo
(http://guide.dogon.free.fr/), Aly Guindo
(http://ardo.timbagga.com.ml/alyguindo/galerie.asp), et, dans le deuxième,
l’ONG Villages-Dogons (www.villages-Dogons.org).
Quant au cas des Wayana, le tourisme écologique a commencé à être
débattu de forme plus collective entre les plus jeunes, à l’occasion du projet
de création d’un parc national (lancé lors de la conférence internationale Eco
92, qui a eu lieu à Rio de  Janeiro, en 1992).  Cette question est à l’origine
d’un important débat sur le Web, en particulier, entre les organismes
écologiques (http://www.indesens.org/article.php?id_article=50). Il n’existe
11
pas une position unanime des Wayana à ce sujet, car ils en méconnaissent
tous les tenants et les aboutissements. Le parc suscite des questions fort
complexes au niveau de la politique économique régionale et nationale,
puisqu’il occuperait une considérable zone d’exploitation des mines d’or,
raison pour laquelle les orpailleurs sont radicalement opposés au projet; ceux
qui défendent le développement durable craignent que le parc naturel ignore
les populations locales qui y sont établies; les Wayana et les communautés
voisines craignent que leurs secteurs de chasse et de pêche ne soient
réduits. D’ailleurs, le projet est à l’étude à l’Assemblée nationale française
depuis des années. Quelques Wayana envisagent la possibilité de travailler
comme guides écologiques, car selon leurs dires, depuis des décennies le
tourisme dans la région est extrêmement prédateur. D’autres encore sont
contre le parc, craignant l’augmentation du voyeurisme, qui depuis longtemps
se répercute sur leur mode de vie. Bien que depuis 1970, un tiers de la
Guyane soit classée « zone interdite », les touristes (amis et parents des
employés et amis des Indiens) continuent à passer leurs vacances chez les
Indiens. D’autre part, il existe des publications, des articles et des rapports
disponibles sur le Web couvrant, de plus en plus, les aspects de
l’environnement et des peuples qui y habitent
(http://www.ulb.ac.be/soco/apft/GEO/cara1.htm). Mais le décalage  existant
entre consommateurs, critiques de ces documents, décideurs politiques
demeure encore considérable, rendant lent et complexe le processus
d’accord entre les parties.
Si anthropologie a reformulé ses bases épistémologiques pour ne plus
parler que de l’autre, mais aussi avec l’autre (BOUJU, on-line), la
démocratisation de l’accès à l’information et à la technologie devra permettre
aux Dogon et Wayana, individuellement et collectivement, de parler d’eux-
mêmes, des autres et avec les autres. Les altérités absolues dans les
relations de pouvoir fort hiérarchisées, de l’Européen collectionneur
d’informations et d’objets et interprète unique de la réalité, deviennent de plus
en plus complexes. Les dynamiques de ces interactions forment de nouveaux
horizons d’observation et de réflexion sur la production du savoir. Ainsi, ce
qui a été produit sur de tels peuples et ce qui est encore produit par des
étrangers se répercute sur leurs dynamiques historiques et de pouvoir. Il ne
suffit pas de se pencher sur les acteurs de la production, il convient
également d’observer ces acteurs inscrits dans l’histoire de leur culture et de
leur société, ainsi que dans les enjeux économiques et symboliques.
La production du net ressemble à un jeu des miroirs parallèles –
expression des besoins et intérêts de son auteur. En général, les pages sont
réalisées par des européens dans le but de dialoguer avec leurs semblables,
interlocuteurs ou consommateurs de même origine. Dans cette optique, le
Web n’est pas polyphonique, sa multiplicité et son extension se limitant à
exprimer des intérêts que les sociétés éloignées éveillent. Il prouve la
complexité de la négociation culturelle en cours – partie de l’histoire
contemporaine et de la modernité Dogon et Wayana et partie des défis des
intellectuels et des membres de ces sociétés. La lutte contre
l’exotisme/« exotisation » – souvent interprété comme forme d’eurocentrisme
– devient un domaine de réflexion épistémologique important et une initiative
politique indispensable. Néanmoins, aucune construction non dialoguée ne
pourra échapper à la nouvelle forme de construction d’altérité radicale, car
12
elle prive ces sociétés et leurs membres de devenir les producteurs de
l’interprétation d’eux-mêmes, ainsi que de réaliser des choix historiques de
construction d’identités dans le dialogue politique et culturel.

Références bibliographiques

AMSELLE, Jean-Loup L’anthropologie au deuxième degré
http://etudesafricaines.revues.org/document48.html?format=print. (Consulté le
14/01/2006).
BARROS, Denise Dias.  “Dogon, uma sociedade entre etnografia e cinema” In:
Cadernos de Antropologia e Imagem, 15, 2002: 67-89.
BAUDRILLARD, Jean. Simulacres et simulation. Paris, Galilée,1981.
____ El Otro por Si Mismo. Barcelona, Anagrama,1988.
____ Mito-ironias da era do virtual e da imagem. Porto Alegre, Sulina,1997.
BOUJU, Jacky. La culture Dogon : de l’ethnologie coloniale à l’anthropologie réciproque
contemporaine. http://www.up.univ-mrs.fr/wclio-af/d_fichiers10/cultureDogon.html
(Consulté le 14/01/2006.)
CASTELLS, Manuel. A galáxia da Internet. Reflexões sobre a Internet, os negócios e a
sociedade. Jorge Zahar Editor, Rio de Janeiro, 2003.
DOQUET Anne Se montrer Dogon. Les mises en scène de l’identité ethnique,
Ethnologies comparées n.5, 2002 [http://alor.univ-montp3.fr/cerce/revue.htm],
disponible le 14/01/2006.
DOWNING, John D. H.  Mídia Radical. Rebeldia nas comunicações e movimentos
sociais. Editora SENAC, São Paulo, 2002.
FORD, T & GIL, Genève. “Internet radical” In DOWNING, John D. H (Org).  Mídia
Radical. Rebeldia nas comunicações e movimentos sociais. Editora SENAC, São
Paulo, 2002:269-307.
GARCIA DOS SANTOS, Laymert. Politizar novas tecnologias. O impacto sócio-técnico
da informação digital e genética. Editora 34, São Paulo, 2003.
GRIAULE, Marcel  Mission ethnographique et linguistique Dakar-Djibouti. Paris, Institut
d’Ethnographie de l’Université de Paris et Muséum National d’Histoire Naturel, 1930.
HEALY, Jéssica & De LARGY. “Do trabalho de campo ao arquivo digital: performance,
interação e terra de Arnhem, Austrália” In: Horizontes Antropológicos, 10 (21),
jan/jun, 2004:67-95.
LAMBERT, Jacques N., «Hermopolis, Memphis, Latopolis et les Dogon», Revue de
l’histoire des religions, RHR 2/1988, [En ligne], mis en ligne le 15 octobre 2004. URL
: http://rhr.revues.org/document1914.html. Consulté le 14 janvier 2006.
LEMOS, Andre. Cibercultura.Tecnologia e vida social na cultura contemporânea.
Editora Sulina, Porto Alegre, 2002.
LIMA, Marcelo Oliveira Coutinho. A sociedade da informação e a world wide web: uma
análise comparativa de nove países. Thèse de doctorat. Département de Sociologie.
FFLCH-USP. 2002.
MAFFESOLI, Michel. O Tempo das Tribos. O declínio do individualismo nas
sociedades de massa. Ed. Forense Universitária, 1998.
____O Eterno Instante. O Retorno do Trágico nas Sociedades Pós-Modernas. Lisboa,
Instituto Piaget, 2001.
MORGADO, Paula. Os Wayana e os Viajantes: construindo imagens em mão dupla.
(Thèse de doctorat). Département d’anthropologie, FFLCH, Universidade de São
Paulo, 2003.
RHEINGOLD, Howard. Realidad Virtual, Barcelona, Gedisa,1993.
____Comunidades Virtuais. Lisboa, Gardiva, 1996.
SFEZ, Lucien. Critique de la communication. Paris, Seuil, 1992.
13

∗∗
Departamento de Fisioterapia, Fonoaudiologia e Terapia Ocupacional da
Faculdade de Medicina da Universidade de São Paulo. Rua Cipotânea 51,
Cidade Universitária, 05360-160. São Paulo – SP, Brésil. .

Laboratório da Imagem e de Som em Antropologia (LISA), Dept. de
Antropologia/USP. Rua do Anfiteatro 181, Cj. Colméia 10. Cidade
Universitária, 05508-900. São Paulo–SP, Brésil.
i
La Guyane Française était une colonie française de 1643 à 1946. Elle est
devenue, par la suite, un Département français d’outre-mer (DOM)
ii
Jessica Healy, dans son article publié au Brésil, “Do trabalho de campo ao
arquivo digital: performance, interação e terra de Arnhem, Austrália” (2004)
présente une intéressante bibliographie. Sur le sujet, visitez également le site
http://www.galiwinku.nt.gov.au/home:home. Au Brésil, également, il y a des
expériences de sites signés par des associations indigènes ou des Ongs qui
défendent la cause indigène. Certains peuvent être trouvés sur le site de
l’Institut Socioambiental:
http://www.socioambiental.org/pib/portugues/fontes/outros_sites.htm.
iii
Recensement général e la population et de l’habitat du Mali de 1987.
Direction Nationale de la Statistique et de l’Informatique.
iv
Par rapport aux Wayana, voir chapitre 4 de la thèse de Doctorat de Paula
Morgado: Os Wayana e os Viajantes : construindo imagens em mão dupla
(FFLCH, Université de São Paulo, 2003) ; sur les Dogon, voir de Barros:
«Dogon, uma sociedade entre etnografia e cinema” In Cadernos de
Antropologia e Imagem, 15, 2002: 67-89.
v
Nom qui signifie en  fulfulde « païen » et était utilisé par les Peul pour
désigner la population qui habitait  sur le plateau et sur les falaises
escarpées.
vi
La notion d’art non adjectivé n’est pas utilisée pour désigner les
productions de sociétés non-occidentales. Idole, fétiche et, ultérieurement,
art primitif, art tribal, art décoratif et art premier sont des appellations qui
dévoilent les intérêts et points de vue de ceux qui les proposent.
14