Rencontre avec le réalisateur et producteur Éric Darmon
samedi 26 novembre 2016 10:00 - 13:00

La rencontre sera animée par Laurent Pellé, délégué général du Festival international Jean Rouch.

Musiques de notre temps, trois opus

Ma découverte du travail de réalisateur et de producteur d’Eric Darmon s’est faite par l’entremise d’un ami commun, le cinéaste et ethnologue Jean Arlaud, un soir de discussion sur les astuces pour palier à des plans répétitifs dans un documentaire. Il me dit : « As-tu vu le dernier film d’Eric sur Steve Reich ? » Ma réponse étant négative nous le visionnons. Et avec son sens inné de la pédagogie il m’explique ce qu’il juge judicieux dans les séquences créées en infographie : « Tu vois, elles nous font ressentir l’esprit de la musique, elles sont pertinentes. » En effet, Éric Darmon entraîne ainsi le spectateur bien au-delà de la simple captation de l’exécution par l’orchestre. À l‘exemple de cette séquence sur It’s Gonna Rain, une œuvre répétitive, où le réalisateur renforce l’aspect de sa structure par l’emploi d’images de pigeons retravaillées grâce au numérique, tout en faisant un clin d’œil à l’histoire du cinéma en référence aux décompositions du mouvement d’Eadweard Muybridge. 

Phase to face, un portrait de Steve Reich (2009) n’est pas le premier opus documentaire d’Éric Darmon sur la musique contemporaine, il fait parti d’une série, commencée en 2003 avec Philip Glass, consacrée à des portraits de compositeurs qui ont bouleversé la création musicale. Les trois films objet de cette master classe (Looking Glass, Pierre Henry ou l’art des sons et Phase to face, un portrait de Steve Reich) procèdent d’un même processus élaboré à partir de longues négociations pour apprivoiser chacun de ses « monstres » dans l’espoir que le film ait la forme d’une rencontre partagée. L’exercice s’avère difficile et plein d’enseignements. Certains cherchent à contrôler leur image et leurs propos à l’exemple d’un Steve Reich, farouche devant la caméra, ou d’un Pierre Henry qui se dévoile par petites touches discrètes. Quant à Philip Glass, plus prolixe, il n’accorde que de rares moments de son temps au tournage. Tout en tenant compte de ces contraintes, le réalisateur parvient tout de même à restituer le rapport au travail de composition, à distiller des indices sur la part autobiographique des œuvres et à évoquer, en ayant recours aux archives de toutes sortes, les enjeux novateurs des créations. Éric Darmon ne brusque aucun de ses protagonistes, il les prend comme ils sont avec respect, car ce qui lui importe c’est de tisser des liens de confiance pour obtenir quelques brefs instants intimes. C’est ce qui se produit à la fin du film avec Pierre Henry où celui-ci aborde sa découverte, enfant, des sons de la nature normande, découverte qui aura des répercussions fondamentales sur son travail en musique concrète. Le réalisateur n’est satisfait que si des petits événements de ce genre ont lieu, et comme le dit son amie Ariane Mnouchkine : « Éric est une éponge, il prend tout et restitue l’essentiel et en garde un peu pour lui. »

Laurent Pellé
Délégué général du festival

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Biographie

Éric Darmon est réalisateur et producteur. C’est au lycée qu’il découvre le cinéma lors des séances du matin à la place des cours. Par la suite il tente une première année en médecine, mais finalement s’inscrit, en 1974, en ethnologie à Paris 7 avec Robert Jaulin, Jean Arlaud et Jean Monod. Comme il le dit lui même : « Avec [le second] j’appris l’histoire de l’anthropologie visuelle, avec Jean Douchet j’appris à lire un film. C’est ça qui m’intéresse qui me passionne. » Après deux projets de thèse non aboutis, sa passion l’amène, avec la complicité de son ami Xavier Gros, à créer en 1982 la société de productions Mémoire Magnétique. Ensemble ils se lancent dans une aventure de dix ans, pour laquelle ils réalisent des portraits « de gens ordinaires et extraordinaires », avec pour ambition de constituer une mémoire de toutes sortes d’événements familiaux. Entre temps, ils tournent des making-of, dont ceux du film Dionysos de Jean Rouch et d’Un amour de Swann de Volker Schlöndorff. En 1994, Éric Darmon rencontre Ariane Mnouchkine et réalise son premier long documentaire Au soleil même la nuit, une immersion de trois heures dans le monde de la création théâtrale. Les années 1990 sont aussi celles d’une série de 150 croquis vidéo « Minutes Européennes » et d’une autre de 6 reportages « Macédoine vue par … ». À partir de 2002 et jusqu’à aujourd’hui, la musique, une des autres passions d’Éric Darmon, se trouve au cœur de ses réalisations. Il affectionne tout particulièrement la rencontre de compositeurs comme Philip Glass, Pierre Henry, Steve Reich tout en réalisant un documentaire sur Les Percussions de Strasbourg, ou les portraits d’Heitor Villa-Lobos, de Pierre Wissmer, et depuis 2015, ceux d’une dizaine de sociétaires de la SACEM.

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Filmographie sélective
1997 – Au soleil même la nuit (160 min.), coréalisé avec Catherine Vilpoux et Ariane Mnouchkine
2003 – Looking Glass (60 min.)
2007 – Pierre Henry ou l’art des sons (52 min.)
2008 – Heitor Villa-Lobos, l’âme de Rio (52 min.)
2009 – Phase to face, un portrait de Steve Reich (52 min.)
2011 – Note+de Karine Saporta
2011 – Les Percussions de Strasbourg, les artisans du son (52 min.)
2014 – Premiers pas vers l’école (26 min.)
2014 – Sur les traces de l’Orient Express (30 min.)
2016 – Pierre Wissmer, un portrait (52 min.), coréalisé avec Anne de Fornel